Le dépendant affectif investi l’autre (idéalisé et mis sur un piédestal) du pouvoir de soulager ses souffrances et d’assurer son bonheur.
Des signes de dépendance affective :
- emballement et attachement excessif, incapacité à se sentir heureux seul
- besoin de plaire et reniement de soi
- manque de confiance en soi, peur de l’abandon et besoin d’être rassuré
- obsession de l’autre, jalousie et possessivité
- tendance à attirer des pervers narcissiques, des partenaires indisponibles ou distants, à accepter des situations malsaines
- après une rupture, tendance dépressive ou à enchaîner les relations sentimentales
Une carence affective précoce peut préparer le terrain de la dépendance, engendrer la peur de ne pas être aimé et reconnu pour ses particularités. L’enfant qui n’est pas valorisé et traité avec bienveillance ne se développe pas harmonieusement, une image de soi erronée s’élaborant sur le sentiment d’un droit d’exister précaire.
Enfant, le dépendant affectif a pu intégrer qu’il fallait se conformer aux désirs de ses parents (ou d’autres adultes significatifs) pour être accepté d’eux. Le fait de ne pas s’être perçu comme ayant de la valeur peut conduire l’adulte à ne pas se sentir à la hauteur, à redouter le rejet. Imprégnés de cette programmation intérieure, certains enfouissent leurs besoins et dissimulent leurs affects pour répondre aux attentes de l’autre, en quête de son approbation, pour s’assurer leur dose d’amour.
Pour mériter quelques marques de tendresse d’un père sévère et froid, Olivier a endossé le rôle de l’enfant adapté : il a choisi d’être un gentil garçon. Adulte, il perpétue cette stratégie pour atteindre le même objectif : être « validé ». Docile et accommodant, il fuit le conflit et ne se fâche jamais, se faisant discret pour ne pas déranger.
De l’amour à la dépendance
« Qu’est-ce que je vais devenir sans toi ? Tu es ma raison de vivre. Sans toi, je ne suis rien. »
L’amour est confondu avec un attachement excessif lorsque l’on fait de son partenaire une béquille. La relation reflète alors un besoin de reconnaissance, des carences affectives et des souffrances antérieures. Le dépendant a tendance à vite se projeter dans un avenir avec l’autre, sans avoir pris le temps de le connaître ou de s’assurer de son ressenti, se persuadant qu’il finira par répondre à ses attentes.
Comment aimer une personne pour elle-même, et non pour ce qu’elle nous apporte, lorsqu’on ne s’est pas senti accepté durant les années où notre personnalité s’est construite ? Celui qui a été nourri d’un amour sans conditions durant son enfance, ne cherche pas (la plupart du temps), affamé d’amour, à être rassasié par son partenaire.
Étant désigné comme notre sauveur, l’autre est tenu pour garant d’un bonheur qui ne nous appartient pas, et devient de même responsable de nos souffrances. Être dans la dépendance affective, c’est adopter une attitude passive face à des besoins considérés comme illégitimes, et espérer que l’autre les assouvisse ou les devine.
Face à la déception de ne pas avoir été décodé et compris, face aux comportements insatisfaisants de l’autre, le dépendant affectif peut lui trouver des excuses, minimiser les faits et être dans le déni, l’auto-culpabilisation, ressentir de la honte, de la colère, voire de la rancœur ou du désespoir.
Mise en quarantaine par des proches pour lesquels elle s’est coupée en quatre, Sabrina se répète avec amertume : « après tout ce que j’ai fait pour eux ». Ce qu’elle ne sait pas se donner, Léna le donne ou le demande à l’autre.
« On accepte l’amour que l’on croit mériter »
La dépendance affective entretient une perception négative de soi, le sentiment de ne pas avoir de pouvoir sur sa vie. Cette conquête du droit à l’existence est d’autant plus stérile que le renoncement à être soi, en se conformant à un modèle extérieur (celui d’un conjoint, d’amis, de la famille), ne procure pas la restauration de l’estime de soi recherchée.
À vouloir plaire et être aimé à tout prix, en se mettant au service de l’autre, on s’épuise et on en oublie de s’aimer soi-même. L’amour ce n’est pas tout accepter de son partenaire. S’aimer c’est aussi s’affirmer et oser dire non, faire des requêtes claires, poser des limites, prendre sa place, se défendre, exprimer son opinion.
La dépendance affective, ou l’aliénation de soi comme mode de vie
À force de banaliser ses émotions (colère, tristesse…) et de soustraire son propre jugement à celui d’autrui, le dépendant affectif s’abstient d’être lui-même, occultant et minimisant ses besoins, ne se donnant pas la permission de les assouvir. Cette stratégie pour exorciser sa hantise du rejet lui fait perdre de son authenticité.
Comment réussir à communiquer, instaurer une relation d’intimité vraie et nourrir le besoin d’être aimé tout en camouflant les enjeux fondamentaux de la relation ? En voulant faire de l’autre la moitié qui confirmera sa valeur et lui fera oublier qu’il n’est que la moitié de lui-même, le dépendant a une responsabilité dans l’inconfort psychologique mis en place.
La récurrence de comportements dysfonctionnels (efforts, soumission ou abnégation) génère une fatigue émotionnelle, une usure nerveuse qui donnent lieu à des schémas relationnels menant à l’impasse, l’autre ne pouvant que finir par frustrer des attentes infinies.
Sortir de la dépendance affective
Lorsqu’une relation fait souffrir et s’inscrit dans un syndrome de répétition, cela peut dénoter une tendance à rechercher des situations émotionnelles vécues dans le passé. La poursuite inconsciente de conflits relationnels permet à la personne, par exemple, d’exprimer une colère refoulée contre un proche.
Repérer et réparer des croyances négatives sur soi, sur les autres ou sur le monde en général (« Je suis nul, méchant, quelque chose ne va pas chez moi, je dois être parfait pour être aimé, dans la vie on ne peut pas…, les hommes/femmes sont tou(te)s… ») autorise le dépendant à accepter et dépasser la souffrance enfouie en lui.
Lola ne s’est jamais aimée, elle a une mauvaise opinion d’elle-même. Simon s’intéressant à elle, la couvrant de cadeaux, Lola succombe aussitôt et ne vit que pour lui plaire. Mais lorsque celui-ci décide de mettre un terme à leur liaison, il remplace l’image d’une femme séduisante par celle d’une personne sans intérêt. Parce que sa perception d’elle-même est négative, Lola a donné à Simon le pouvoir de la rendre heureuse ou malheureuse.
Sa partie « enfant » contaminant sa partie « adulte », le dépendant réagit dans l’excès s’il n’est pas au centre de l’attention de l’autre (ses blessures narcissiques étant réactivées par la frustration, la déception, la trahison, le mensonge ou l’indifférence). Nous avons tous besoin d’amour et de reconnaissance, mais la dépendance affective est un frein à des relations saines et équilibrées.
Par Aouatif ROBERT